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Importance de la concentration en protéines pour la formulation de laits concentrés sucrés recombinés.

Les laits concentrés sucrés recombinés (LCSR), appelés « Sweetened Condensed Creamer » (SCC) en anglais, sont des substituts économiques aux laits concentrés sucrés. Ils sont typiquement formulés à partir de sucre, poudres de lait non grasses et d’huile végétale. Ces produits sont principalement utilisés dans des boissons, comme nappage sur des gâteaux ou ajoutés au café. La régulation de l’appellation « Sweetened Condensed Creamer » est relativement ouverte et offre donc de la liberté quant à la formulation pour les producteurs. Afin de diminuer les coûts de production, de la poudre de lactosérum ou même de perméat peuvent être utilisées afin de remplacer la poudre de lait.

 

Quels sont les impacts de ces changements de formulations sur la composition protéique des laits concentrés sucrés recombinés ?

 

La nature des protéines dans la poudre de lait diffère de celle dans la poudre de sérum et de perméat. Il existe, en effet, deux principaux types de protéines dans le lait : les caséines, qui précipitent pour former le fromage, et les protéines sériques. Alors que la poudre de lait écrémé a une composition protéique proche du lait avec environ 80% de caséines et 20% de protéines sériques, la poudre de sérum ne contient que des protéines sériques et la poudre de perméat contient majoritairement de l’azote non protéique. Ainsi, la substitution de poudre de lait écrémé par de la poudre de sérum et/ou de perméat dans la formulation des LCSR induit d’importants changements dans la concentration et la nature des protéines.

 

Comment ces changements protéiques peuvent-ils compromettre la qualité des produits finis ?

 

Cette double modification de la composition protéique des produits impacte leur texture ainsi que leur stabilité.

 

Les impacts sur la stabilité des produits

Les laits concentrés sucrés recombinés suivant la norme CODEX (20% de poudre de lait écrémé dans la recette) contiennent environ 7,5% de protéines. Cependant, les produits commerciaux contiennent bien moins de protéines, déclarant typiquement entre 3 et 5% de matière protéique. De plus, cette teneur en protéine tend à diminuer avec des produits ultra-économiques déclarant 1,5% de matière protéique.

Cette réduction importante de la concentration en protéines impacte la stabilité des produits. En effet, plus les protéines sont rares dans le produit, plus l’émulsion est susceptible d’être instable en raison de mécanismes tels que le crémage, par exemple [1]. Les protéines sont nécessaires pour stabiliser les émulsions et prévenir l’interaction entre les gouttes d’huile. En effet, elles empêchent les gouttes de se confondre ou d’interagir, limitant ainsi le crémage. Il est évident que les recettes contenant environ 3% de matière azotée totale (MAT) sont plus stables que celles en contenant 1,6% (voir Figures 1 et 2). En effet, la proportion de la couche de sérum (i.e. l’indice de crémage), est importante dans les recettes à 1,6% de protéines (~30% de la hauteur totale de l’émulsion correspond au sérum, voir Figure 1) alors que ce n’était pas observable dans les émulsions à 3% de protéines.

 

Impact sur la texture des produits

La texture est un facteur crucial pour qualifier la qualité d’un LCSR. La texture peut être évaluée à travers deux tests complémentaires :

      • La capacité à former un gel durant la période de stockage (la formation de gel est indésirable).
      • Le comportement lors de l’écoulement, il doit être équilibré afin de garantir un écoulement sous faible déformation (lors du versement du produit) mais aussi une viscosité suffisante pour s’approcher de celle d’un lait concentré sucré classique.

 

D’après notre étude, ces propriétés étaient plus proches de celles d’un lait concentré sucré standard lorsque la concentration en protéines était proche de 3%. Les recettes contenant 1,6% de MAT ont montré plus de déviations par rapport au produit de référence. A faible teneur en protéines, les gouttes d’huile interagissaient beaucoup plus et la formation de gel était rendue possible en raison du manque de protéines.

 

Conclusion

 

Des tests supplémentaires ont montré que la déstabilisation des laits concentrés sucrés recombinés s’effectue lorsque la concentration en protéines passe de 2,7% à 2,2%. Ainsi la première recommandation tirée de notre étude est la nécessité de garder une concentration en protéines proche de 2,7 – 3% afin d’éviter les défauts de texture et de stabilité dans le temps. De plus, sachant que la nature des protéines joue également un rôle, il est important de garder une teneur minimale en caséines (pour plus d’informations, voir l’article précédent : Importance des caséines dans la formulation des sweetened creamers).

A titre d’exemple, deux formulations contenant les concentrations protéiques recommandées sont proposées ci-dessous.

Si la concentration en protéines doit être réduite à des concentrations plus basses telles que 1,5 ou 2,0%, nos tests montrent que la recette est susceptible de déstabiliser ou gélifier. Dans ce type de formulation, les produits sont complémentés avec l’ajout d’additifs pour stabiliser et ajuster la texture du produit fini.

Ce sujet sera traité dans un futur article sur le blog Lactalis Ingredients, restez connectés.

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Sources:

[1] Dalgleish, D. G. (2004). Food emulsions: their structures and properties. Food emulsions, 4, 1-44

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Auteur : Alice Decheppe

Alice Decheppe est ingénieur au sein du service application chez Lactalis Ingredients. Diplômée d'un double diplôme entre l'Ecole Centrale Marseille (France) et NTNU (Norvège), Alice travaille sur la valorisation des ingrédients laitiers dans les applications laits concentrés sucrés recombinés afin d'apporter son expertise aux clients.