Le lactose, un sucre pas comme les autres ? [1]
Les directives nutritionnelles de plusieurs pays recommandent l’inclusion de lait et de produits laitiers dans une alimentation équilibrée. Parmi les divers nutriments présents dans ces produits, le lactose est le principal sucre du lait. Bien que la recherche scientifique se concentre principalement sur le devenir du lactose lors de la digestion et les cas d’intolérance qui en résultent, il convient de noter que le lactose présente également divers effets bénéfiques pour la santé. En effet, il a un indice glycémique bas et contribue peu à la formation de caries dentaires.
« Le lactose exerce de multiples effets bénéfiques sur la santé : il possède un faible index glycémique et a un faible pouvoir cariogène. Chez le nourrisson, le lactose est un nutriment clé puisqu’il aiderait à la colonisation du tube digestif par le microbiote intestinal, pouvant ainsi protéger le nouveau-né des infections. Enfin, le lactose qui n’est pas digéré dans l’intestin grêle pourrait être fermenté par les bactéries du microbiote intestinal et serait capable de le moduler bénéfiquement. »
Le département Nutrition de Lactalis Recherche et Développement, représentée par Amandine Ligneul et Mathilde Guerville a pu réaliser une revue de la littérature mettant en lumière les bienfaits du lactose sur des domaines aussi variés que ceux de la nutrition infantile, adulte ou encore clinique [1].
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Définition et digestion du lactose : le choix des mots est essentiel.
Le lactose est un disaccharide composé de glucose et de galactose. La lactase, une enzyme présente dans les cellules de l’intestin grêle permet l’hydrolyse du lactose, libérant ainsi le glucose et le galactose qui seront disponibles pour être absorbés.
Au sein de la population, il existe plusieurs profils de digestion du lactose : la persistance et la non-persistance de la lactase (NPL), avec ou sans intolérance associée [2]. Environ 30 à 40 % de la population présente une activité persistante de la lactase, permettant une digestion complète du lactose. Cependant, la NPL, caractérisée par une diminution de l’activité de la lactase, affecte environ 68 % de la population mondiale [3–7]. En cas de NPL, le lactose est partiellement digéré, atteignant le côlon où il est métabolisé par les bactéries intestinales en divers métabolites, provoquant parfois des symptômes d’intolérance tels que douleurs abdominales, ballonnements et flatulences. Ce phénomène, appelé intolérance au lactose, dépend de facteurs tels que la composition du microbiote intestinal, la quantité et le moment de consommation de lactose [3–7].
Pouvoir prébiotique du lactose
La notion de prébiotique est définie comme « un substrat qui est utilisé sélectivement par des micro-organismes hôtes conférant un avantage pour la santé ». Si le lactose n’est pas entièrement digéré dans l’intestin grêle, il peut arriver sous forme intacte au côlon, où il devient une source d’énergie pour les bactéries intestinales présentes. On peut donc envisager que la fermentation du lactose résiduel par certaines bactéries bénéfiques pour la santé puisse avoir un effet prébiotique potentiel. Il a été montré sur des modèles in vitro mais également par des études cliniques chez l’homme, que le lactose pourrait augmenter la présence de Bifidobactérium au sein du microbiote intestinal, bactéries connus pour ses effets bénéfiques sur la santé [8,9]. Par conséquent, puisque le lactose exerce un effet bénéfique sur la croissance de Bifidobacterium au sein du microbiote, il pourrait alors être considéré comme un prébiotique chez les personnes présentant une malabsorption du lactose, soit environ 70% de la population mondiale [10]).
« L’index prébiotique représente la relation entre les changements des bactéries « bénéfiques » et « délétères » du microbiote intestinal par rapport à leurs niveaux de départ. Chez les personnes souffrant de malabsorption, l’index prébiotique du lactose a été évalué à 5,75, ratio comparable à celui retrouvé pour le lactulose et autres prébiotiques connus. Enfin, en ce qui concerne les personnes capables de digérer totalement le lactose, une étude suggère que le lactose qui n’est pas digéré et qui se retrouverait alors dans le côlon pourrait exercer aussi exercer une fonction prébiotique. »
Le lactose : un ingrédient clé des formules infantiles
Le lactose est le composé principal du lait maternel dont la concentration augmente avec le stade de lactation : environ 40 g/L pour le colostrum, 65 g/L pour un lait de suite à 75 g/L pour un lait 3eme âge [11]. Lorsqu’il est hydrolysé par la lactase, le lactose se décompose en glucose, un nutriment essentiel pour répondre aux besoins énergétiques du nourrisson, et en galactose, un élément clé nécessaire à la synthèse de la myéline [12]. Les dernières études ont également montré que le lactose pourrait jouer un rôle important dans la constitution du microbiote intestinal de l’enfant depuis son plus jeune âge en favorisant l’installation de bactéries bénéfiques [13,14].
« Chez le nourrisson allergique aux protéines du lait de vache, l’ajout de lactose (38 g/L) dans une formule entraine également une augmentation significative du nombre de Bifidobacteria et Lactobacillus, et une diminution significative du nombre de Bacteroides et de Clostridia par rapport à la même formule sans lactose . »
Au delà de son aspect prébiotique, le lactose pourrait-il remplacer le sucre?
L’Index Glycémique (IG) permet de mesurer la variation du taux de glucose dans le sang 2 heures après son ingestion , il en découle une classification des glucides les uns par rapport aux autres.. Même si peu d’études ont été menées sur les disaccharides, il a été estimé que le lactose présenterait un IG de 46 comparé au saccharose (IG = 65), au glucose (IG = 103) et maltose (IG = 105) [15]. Ce faible IG pouvant s’expliquer par 2 raisons : une digestion tardive du lactose en glucose et galactose au niveau de l’intestin grêle par la lactase, ce qui n’est pas le cas du glucose simple dont la digestion se fait bien plus en amont dans le système digestif [16]. De plus, ce faible IG pourrait être lié à l’absence de réponse insulinémique du galactose [17]).
Par ailleurs, le lactose présente un plus faible pouvoir sucrant que les sucres traditionnellement utilisés dans l’industrie alimentaire (lactose 30 % [35,36], fructose (110—120 %), glucose (70—80 %), maltose (40—50 %)). Malgré ce faible pouvoir sucrant, il serait tout à fait envisageable de remplacer une partie de ces sucres au fort Index Glycémique par du lactose dans des applications telles que la chocolaterie ou la biscuiterie. Son faible pouvoir sucrant pourrait également offrir d’autres avantages. En effet, il est suggéré que le lactose n’induirait pas de réponses du système dopaminergique autrement appelé système de récompense classiquement activé suite à la consommation d’autres sucres [18]. Nous pouvons ainsi supposer qu’une consommation de lactose pendant l’enfance pourrait réduire l’accoutumance au goût sucré, et ainsi contribuer à diminuer la préférence pour les saveurs sucrées à l’âge adulte.
Conclusions
C’est en raison des nombreux bénéfices santé du lactose que les récentes recommandations nutritionnelles des autorités sanitaires françaises, européennes, et mondiales excluent le lactose de la définition des sucres libres dont la réduction de consommation est recommandée pour lutter contre les maladies métaboliques. Cette nouvelle position du lactose, non plus en tant que sucre libre, pourrait permettre au lactose d’être utilisé dans de multiples matrices alimentaires voire de remplacer le sucre de certaines formulations.
« Aujourd’hui, il n’existe aucune preuve montrant des effets néfastes du lactose sur la santé chez l’adulte sain. C’est pourquoi les recommandations mondiales, européennes et françaises préconisent d’exclure le lactose des guides visant à réduire pour la consommation de sucres. »
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Bibliographie:
[1] Guerville M, Ligneul A. Le lactose, un sucre pas comme les autres. Cahiers de Nutrition et de Diététique [Internet]. 2024 Jan 18 [cited 2024 Mar 28]; Available from: https://www.sciencedirect.com/science/article/pii/S0007996023001700
[2] Storhaug CL, Fosse SK, Fadnes LT. Country, regional, and global estimates for lactose malabsorption in adults: a systematic review and meta-analysis. The Lancet Gastroenterology & Hepatology. 2017 Oct 1;2(10):738–46
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